Quand j'ai créé le blog cet été, j'avais en tête de créer une galerie de portraits d'artisans et artisanes de la région, que je connais et dont je suis le travail depuis quelques mois, ou quelques années. J'ouvre cette nouvelle page du blog avec le portrait de Candice qui crée des tentures murales avec des matières naturelles ou revalorisées, défendant les circuits courts de l’artisanat français, respectueux de notre environnement, de l’Humain comme de l’Animal. Je vous laisse la découvrir. Bonne lecture!
Peux-tu partager avec nous l'histoire qui se cache derrière la naissance de ton métier d'artisan ?
J’ai ainsi créé mon entreprise il y a 5 ans et je suis devenue Artisane d’art il y a 2 ans. Cela a été une grande satisfaction de voir mon savoir-faire reconnu en intégrant ce label.
J’ai découvert le tissage il y a 8 ans par hasard et ce fut une rencontre que je me suis appropriée peu à peu après avoir testé d’autres univers créatifs. J’ai découvert la catharsis que me permettait le tissage, cette technique est ainsi devenue un élément essentiel à mon quotidien !
J’aime beaucoup sa flexibilité à intégrer d’autres matières, à les rendre complémentaires alors qu’elles n’ont rien en commun. Au final, je peux créer une nouvelle histoire avec de la laine et de la corde ou du raphia, voir même de la céramique ou du verre. Cela me donne des possibilités foisonnantes d’interprétations pour mes clients qui me fascinent.
Quels éléments ou valeurs caractérisent le plus ton travail en tant qu'artisane, et comment ceux-ci se reflètent-ils dans tes créations ?
J’ai une appétence pour les tentures en forme de cercle : leur forme ronde donne une grande possibilité de point de vue ou de perspectives, d’appropriation. Ils ont une symbolique qui me parle…
Certains modèles peuvent même être positionnés dans un sens comme dans l’autre ! Vous pouvez renouveler votre décoration en un clin d’œil avec la même tenture.
Par ailleurs, j’ai à cœur de n’utiliser que des matières naturelles dans mes pièces, et j’aime à confronter les univers et les textures. C’est ainsi que je tisse la laine ou la corde de façon très texturé, en volume, mêlée à des formes ou objets de céramique. Et à contrario, je tisse entièrement le raphia à plat, que cela soit en cercle ou en rectangle.
Ces deux univers se mélangent et me permettent de mettre en scène le sujet de la Dualité, de la Vérité et de la compréhension de l’Humain, que je développe depuis quelques années à travers mes réalisations.
Comment intègres-tu la dimension écoresponsable dans ton travail, que ce soit dans le choix des matériaux, les méthodes de fabrication, ou d'autres aspects de ton processus créatif ?
Merci pour cette question Isabelle, car cette dimension est la base de mon travail.
Artisane d'art textile en démarche éthique, j'ai créé Cosy Jungle car je crois qu'il est possible de changer le monde de demain, en commençant... par nous-même.
C'est ainsi que je conçois des tentures murales que je veux intemporelles, avec des matières naturelles ou revalorisées, défendant les circuits courts de l'artisanat français.
Consommer a un véritable impact et je veux mettre cette responsabilité au service de de notre environnement, de l'Humain comme de l'Animal. Cela me permet de vous proposer des objets qui ont du sens pour vos projets d’intérieur et qui porte l'Histoire des femmes et des hommes qui ont créé les matières que j'utilise.
Je travaille par exemple, avec des artisanes françaises pour la soie teintée en éco-print (technique d'impression végétale sur tissus mais aussi sur papier), la laine teintée ou les céramiques que j’inclus dans mes tentures. La sélection de laines, elle, est exclusivement issue de la filière laine française – artisanale aussi ! Et ce n’est pas anodin.
Cela permet de faire travailler les filatures, les centres de lavages ou les manufactures mais aussi (bien sûr) les éleveurs qui prennent soin de leurs moutons. Le maintien de certaines races ovines en France dépend parfois uniquement de ce circuit. Mes recherches de fournisseurs ont du sens : un vrai impact positif et je m’en félicite.
Ma démarche concerne la totalité de mes réalisations : la bourre de mes coussins par exemple, est composée de laine cardée non lavée provenant du Massif Central. Il s’agit de laines qui ne peuvent être filées et qui représente un déchet. En m’en servant pour mes coussins, non seulement je revalorise une « matière perdue », mais en plus cela garantie des coussins ultra moelleux et sans agent chimique !
Pour finir, mon processus de travail fait que je n’ai quasiment pas de perte de matière, j’ai une façon de tisser quasiment zéro-déchet. J’ai d’ailleurs réalisé une carte géographique de mes matériaux sur mon blog pour rester en toute transparence avec mes clients.
Un processus vraiment gagnant-gagnant :)
Comment sensibilises-tu tes clients à l'importance de l'écoresponsabilité dans le design intérieur, et quelles réactions as-tu observées de leur part ?
Généralement, c’est le contraire qu’il se passe !
Mes clients viennent me chercher car ils ont vraiment cette volonté de construire un intérieur sain et serein, totalement aligné avec leurs valeurs.
Elles et ils savent que mon engagement est vraiment concret, cela entre alors en écho avec leur propre démarche personnelle, qu’elle soit affirmée ou en cours d’émergence.
Quand on démarre un projet, je rappelle toujours d’où proviennent les laines, les cordes, les céramiques etc. Je mets en valeurs les artisanes avec lesquelles je travaille. C’est là généralement que je suis capable de donner leur prénom : Florence, Sandrina, Véronique, Solène… Chaque matière est portée par une femme, on est loin de l’industriel ! C’est un moment que j’aime beaucoup car cela me rappelle aussi à moi dans quelle globalité je me place. C’est incroyablement satisfaisant…
Généralement, c’est vraiment cette démarche que mes clientes recherchent : je leur prouve donc assez facilement qu’elles ne se sont pas trompées. Elles sont au bon endroit.
La date de rendu pour les projets sur-mesure est aussi clairement annoncée. On oublie parfois le temps du fait-main, qui revient dans une temporalité à « taille humain » : un tissage de 80cm ne peut pas se réaliser en 5h, mais plutôt en 25 ou 30 minimum !
Cela dit, les architectes et décoratrices d’intérieur travaillent assez en amont pour que cette temporalité soit comprise, c’est donc l’idéal.
Parle-nous d'une réalisation qui t'a particulièrement marqué(e) dans ta vie d'artisane. Qu'est-ce qui la rend spéciale, et quelles difficultés as-tu surmontées pour la mener à bien ?
Je crois que le projet de Mylène sera l’un de mes préférés… Sa décoratrice d’intérieur m’a contactée car elle rénovait son salon et souhaitait une grande tenture murale au-dessus du canapé. Habitant à plus de 200km, j’ai échangé avec Mylène directement par téléphone pour en savoir plus sur ses envies.
Je voulais qu’elle me donne trois mots pour me guider dans cette réalisation personnalisée. Parmi eux se trouvait « vie à deux ». Cela m’a énormément touchée car elle se trouvait veuve après des années de mariage et cette rénovation était sa renaissance.
J’ai créée pour elle une tenture rectangulaire de 90cm selon le croquis choisi en gardant cette émotion en moi. J’ai inclus des pampilles d’argile imprimées de feuilles d’olivier de mon jardin. J’ai disposé les pampilles deux par deux, disséminées dans le tissage, comme évocation de ce chemin de vie partagé.
Mylène m’a écrit le plus beau mot de remerciement que je n’ai jamais reçu, très émouvant, qui me touche toujours beaucoup… J’y repense souvent, il me porte !
Elle s’était sentie comprise alors que nous ne nous étions jamais véritablement rencontrées.
Malgré l’émotion, elle trouvait le tissage très joyeux et c’était en parfaite harmonie avec son renouveau. Je suis très reconnaissante de pouvoir vivre des moments comme ceux-ci.
Peux-tu partager une anecdote inspirante ou un moment clé qui a profondément influencé ton approche créative ou ton parcours en général ?
L’histoire de Mylène en fait partie ! Mais le processus artistique est long, il est semé d’expériences, de tentatives, d’essais, d’amplification ou d’errance…
Parfois je rencontre une matière et c’est là que j’ai un déclic, cela commence au final comme ceci. Avec l’envie de me dire « tient, qu’est-ce que cela peut donner ça ? Et si je l’associe avec ça… ? »
Car le tissage permet de tout tisser, c’est fascinant ! Un geste millénaire si simple et si puissant… cette curiosité est sans fin, c’est aussi parfois le problème d’avoir le temps de tout réaliser ah ah !
Et souvent, ce sont d’autres type rencontres qui me guident.
Je suis infiniment admirative du talent des autres artisanes avec lesquelles je travaille. Leur talent m’inspire et je mets cela au service de mes clientes ou clients, qui portent des projets formidables. Créer pour elles et eux, c’est donner corps à leur histoire, en intégrant ma sensibilité.
Ces rencontres-là, on ne les oublie pas.
En quoi consiste le processus créatif type pour toi, de l'idée initiale à la réalisation finale d'une pièce ou d'un projet ?
Tout dépend sur je travaille sur un projet perso ou une commande.
Pour mes projets à moi, je suis très inspirée par la nature, sa capacité à prendre milles formes et textures… Je glane des souvenirs et j’y reviens : j’ai plein d’écorces dans mon atelier, des céramiques cassées, du grillage, des feuilles… C’est un peu le vrac j’avoue… Et quand je tisse, je fais un rapide croquis – ou pas – et je me lance, je me laisse porter.
Pour les commandes sur-mesure, je ne peux pas me permettre ce flou pour le client .
Afin d’aider la décoratrice d’intérieur ou les propriétaires à prendre une décision au moment du devis, je monte un dossier complet.
Ce dossier est la synthèse de ce que j’ai dans la tête et de mon expérience, car je mêle croquis et photos. Le but est qu’il soit assez clair pour permettre aux clientes de prendre une décision en étant absolument certaines du résultat.
Il comprend ainsi un rappel de nos échanges, car je commence toujours par un appel téléphonique – indispensable pour se comprendre, je refuse les échanges uniquement par mail.
J’y inclus un moodboard, mes propositions de croquis, des détails de réalisations passées et quelques petites autres choses qui aident à se représenter au mieux le résultat final.
Ce dossier est utile à tout le monde car nous validons la base de référence ensemble et nous avançons ensemble : c’est tout aussi rassurant pour la cliente que pour moi, pour des projets personnalisés.
Un jour, j’ai réalisé une pièce pour le showroom d’une décoratrice d’intérieur. Je lui ai donc envoyé le dossier : elle a été étonnée de découvrir son contenu, qui s’approchait de ce qu’elle réalisait pour ces propres clients. Elle m’a fait là un très beau compliment !
En tant qu'artisane, comment navigues-tu entre les demandes spécifiques des clients et ta vision artistique personnelle ?
Les deux me nourrissent et chacun est un challenge, c’est plutôt une question d’organisation. J’ai été coordinatrice de projets et chargée de missions dans une autre vie, j’ai donc l’habitude des rétroplannings !
Créer pour un.e autre est une contrainte que j’aime énormément. C’est là que le sujet de la compréhension de l’Humain réapparaît. « Qui est cette personne, que désire-t-elle vraiment pour son espace, quelle émotion, quelle atmosphère, quel est le propos, quel est le but ? »
Je mets mon savoir-faire à leur service et je développe le sujet souhaité, je l’exploite vraiment. Je fais toujours des propositions nouvelles dans mes croquis. S’il est validé, c’est l’occasion de découvrir le chemin aussi pour moi !
Cela ne m’empêche pas de développer mes projets par ailleurs, on trouve toujours un moment pour ce qui ne vous lâche pas le cerveau…
Peux-tu nous décrire un projet récent où tu as collaboré avec un architecte/décorateur d'intérieur et comment s'est déroulée cette collaboration ?
J’ai eu le plaisir de pouvoir réaliser une tête de lit pour le très beau gîte de charme, Le Clos Serein, dans le Var. C’est en me basant sur le dossier de la décoratrice d’intérieur que j’ai pu réaliser la pièce parfaite pour le lieu.
Le gîte était alors en cours de rénovation de la cave au grenier et la Suite « Rose » était à terminer. Les propriétaires souhaitaient un élément magistral dans cette chambre à la fois douce et élégante, pour donner un effet « wouahou » en entrant.
J’ai ainsi réalisé une tête de lit de 70 cm de diamètre qui allait habiller un mur de 5 m. J’ai monté mon dossier de travail en fonction des côtes de la décoratrice, mais aussi de toutes les indications qu’elle m’a donnée sur la décoration, l’ambiance, les meubles qui allaient composer la pièce. J’ai vraiment pu me baser sur son travail préparatoire pour faire ma proposition autour de la thématique qui était le voyage. J’ai pu ainsi ajuster les laines, les tissus mais aussi les céramiques que j’ai intégrées. Le raphia s’est merveilleusement accordé aux poutres sablées !
J’ai beaucoup échangé avec les propriétaires par téléphone car ils souhaitaient vraiment personnaliser cette tenture murale, tout en restant dans l’ambiance travaillée par la décoratrice.
C’était un très beau projet et le rendu est magnifique : la tête de lit s’intègre parfaitement ce qui est aussi tout l’intérêt du sur-mesure.
Enfin, aurais-tu un prochain projet à nous partager ?
Ah, 2024 va être riche en perspectives ! En avril, je serai aux Baux de Provence pour les JEMA (Journées Europénnes des Métiers d’Art), animant des ateliers découverte pendant trois jours, un cadre idyllique que j’aime beaucoup. Venez me rencontrer : )
Je fais également partie de l’aventure Les Partisanes 2 cette année, une initiative du Bunker des Calanques dont le thème est la collaboration artistique. Nous allons créer une pièce unique avec mon acolyte Florence Lucchini, formidable céramiste à Eyguières – mêlant tissage, grès roux et fond marins…
Et j’ai une autre grande (grande !!) nouvelle dont j’attends encore la réponse… Tout sera annoncé en premier dans ma newsletter, je vous recommande de vous y abonner sur mon site !
Mille mercis Isabelle pour m’avoir donné la possibilité de réfléchir sur ces questions !
Grand merci pour tes réponses Candice, et à très bientôt !
Comments