
Façonner, transformer, réinventer. C’est ainsi que Marion a tracé son chemin, guidée par l’amour du geste et des matières. Derrière Façon.nette, son atelier, se cache une histoire d’héritage et d’expérimentations, nourrie par les souvenirs de ses grands-mères, son passage aux Arts Décoratifs et des années d’exploration textile.
De la tapisserie au prêt-à-porter, de la broderie aux objets du quotidien, son travail est une ode à la patience et à la transformation. Chaque pièce, façonnée à la main, porte la marque du temps et du geste, dans un équilibre subtil entre textures, formes et lumière.
Mais au-delà de la matière, c’est un état d’esprit : celui du slow design, de la réutilisation, du respect des objets et de leur histoire. Dans cet échange, Marion nous livre son parcours, ses inspirations et sa vision de l’artisanat, entre minutie et liberté.
Peux-tu partager avec nous l'histoire qui se cache derrière la naissance de ton métier d'artisane et de Façon.nette?
Depuis toute petite, j’ai eu ce goût pour les travaux manuels : le tricot avec ma mère et la couture avec mes 2 grands-mères. L’une était une couturière de métier exceptionnelle, elle était capable de reproduire la moindre pièce à l’identique. Elle était organisée, méthodique et très pédagogue. L’autre avait un atelier de fabrication de poupées bretonnes et je passais mes vacances dans les dentelles de Calais, les sequins et les velours, à fouiller dans ses placards et à tester sa machine à coudre. Elle était fantasque, hyper créative et très permissive ! J’ai suivi des études d’art à Paris, à l’école Duperré avec un DMA tapisserie, puis aux arts décoratifs en section textile.
L’apprentissage des techniques était axée textile bien sûr : broderie, tissage, maille, sérigraphie, tapisserie… mais aussi très variée et multiple comme la photographie, le modelage, la gravure, la vannerie ou la céramique. J’étais très épanouie dans cette période de totale liberté de création mélangeant et expérimentant toutes ces techniques…

Peux-tu partager une anecdote inspirante ou un moment clé qui a profondément influencé ton approche créative ou ton parcours en général ?
J’ai presque 20 ans d’expérience dans le prêt à porter. Épanouie sur le plan technique, il me manquait l’aspect manuel. Sur le peu de temps libre qu’il me restait, ma maison est devenue mon espace de création, d’expression libre et d’expérimentation. J’ai commencé par refaire des assises de fauteuils récupérés de chez mes grands parents, puis j’ai crée un lustre de 9 mètres de hauteur, des rideaux avec d’anciens tissus, j’ai transformé des meubles, imaginé des suspensions.
Des amis ont commencé à me déposer des objets, des meubles qu’ils souhaitaient que je transforme. Ma maison était devenue une vitrine, et j’ai eu quelques commandes…
Lors d’une discussion, une amie m’a posé cette question : « quel est le moment dans ta journée, dans ta semaine ou tu es parfaitement épanouie, et ou tu ne vois pas le temps passer ? » Cela a été une évidence : les moments ou je fabrique, ou je fais des choses de mes mains, mélangeant, expérimentant, imaginant… Les moments ou mon esprit est libre et mes mains façonnent, d’où le nom Façon.nette. Je n’ai pas voulu me limiter à une technique, un objet ou un produit. J’ai essayé de créer un univers. J’adore toutes les pièces et les matériaux de la maison : de la chambre à la cuisine, du carrelage au bois, de la lumière aux tissus !!
Quels éléments ou valeurs caractérisent le plus ton travail en tant qu'artisane, et comment ceux-ci se reflètent-ils dans tes créations ?

Concernant mes valeurs, je suis extrêmement patiente et j’ai le soucis du détail. J’aime le travail long, slow, qui prend forme doucement au fur et à mesure des heures et des jours. Le temps n’est pas de l’argent, il est nécessaire à mon travail d’artisane, c’est une valeur que je défends et qui est loin de l’industrie, loin de ma vie d’avant…C'est ce que je souhaite transmettre avec Façon.nette.
De la même façon chaque objet est unique : sur une commande de 2 appliques de lit par exemple, je n’utilise jamais de moules, les 2 appliques se ressembleront le plus possible bien évidement mais elles auront leur singularité. Sur un lot de 4 serviettes cousues à partir de draps anciens, il y aura quelques millimètres de différences très certainement
Concernant les éléments, mon travail est très inspiré par le textile bien évidement : j’aime façonner donc j’aime sentir la matière, j’aime rendre le tombé du tissu, son empreinte, son volume imparfait, la sensation de mouvement, de froissé, de plissé, de transparence.. Cela est, je pense très visible sur mes liminaires, mes vides poches, centre de table et mes bougies travaillés à base de pâte auto durcissante.
A l’inverse, quand je travaille avec des mosaïques pour mes vases ou mes bougies, ce qui me plaît est le côté répétitif et géométrique du motif et cela me permet de travailler la couleur. Je façonne encore une fois car je n’utilise pas « d’outils ». J’adore par exemple mes vases mosaïque pétales, ou le motif se dessine au fur et à mesure du collage et de l’application des joints.
Enfin mon travail se caractérise par la matière et les surfaces travaillées avec l’idée de dualité : aspect rugueux ou lisses, brillants ou mats, blancs ou noirs.. Les objets se regardent, mais se touchent aussi. Cette idée d’avoir envie de toucher, de manipuler car ils ont été façonné

Comment intègres-tu la dimension écoresponsable dans ton travail, que ce soit dans le choix des matériaux, les méthodes de fabrication, ou d'autres aspects de ton processus créatif ?
La plupart du temps les objets que je transforme me sont confiés par des clients. Ce sont d’anciens draps de famille que je transforme et personnalise, des napperons et dentelles qui vont me servir d’empreinte, ce sont des vases qui ont besoin de vivre une nouvelle vie, ou encore juste des bocaux qui sont déposés par dizaine devant ma porte et des chutes de carrelage…
J’achète le moins de chose possible, que ce soit en terme de fourniture ou de matériaux. Je fais mes étiquettes moi-même, avec des tampons encrés sur des cartons de récupération par exemple. Je chine beaucoup aussi pour des petits contenants ou des tissus.
Je propose de couler à nouveau les bougies si on me ramène le contenant vide. Je préfère bien entendu avoir un contact avec mes clients donc le moins d’expédition possible. J’ouvre mon atelier régulièrement pour des rencontres.
Comment sensibilises-tu tes clients à l'importance de l'écoresponsabilité dans le design intérieur, et quelles réactions as-tu observées de leur part ?
Les clients sont sensibles à garder ou à intégrer des objets qui ont eu une histoire. Recouvrir un ancien abat jour à quelque chose de satisfaisant: on ne l’a pas jeté, il ne vient pas de chez Ikea, il est unique et fait pour eux.
Je pense que les gens qui se tournent vers des achats artisanaux ont cette sensibilité et cette responsabilité.
Parle-nous d'une réalisation qui t'a particulièrement marqué(e) dans ta carrière d'artisane. Qu'est-ce qui la rend spéciale, et quelles difficultés as-tu surmontées pour la mener à bien ?
La réalisation pour une commande de 6 suspensions qui devaient tomber en cascade au dessus d’une table a été une vraie expérience et un challenge pour moi. Déjà car mon processus de fabrication est long, entre le façonnage, le séchage, le ponçage, peinture puis vernis ; il fallait tenir le délais !De plus je devais diminuer au maximum les différences entre les 6 pièces ! Mais la vraie révélation a été que j’ai adoré travailler en sachant la destination et le destinataire de cette création.
Savoir que le client a confiance, qu’il attend, qu’il a hâte, que la place de l’objet est prévu, précis. Pour moi, le sens de mon métier d’artisane était là : penser à une personne et à une finalité en travaillant.

En quoi consiste le processus créatif type pour toi, de l'idée initiale à la réalisation finale d'une pièce ou d'un projet ?
Comme je le disais, le luxe de mon métier d’artisane est de pouvoir oublier le temps. Je travaille toujours sur plusieurs objets en même temps. D’abord à cause des temps de séchage donc par nécessité, mais aussi car cela permet la réflexion et la cohérence entre différents projets. Je reviens aussi souvent sur un objet, modifiant sa forme, sa texture ou les finitions…
Ensuite je pars souvent de la matière ou du matériel dont je dispose. C’est la forme d’une dentelle qui va définir la forme d’une suspension, c’est un cannage de chaise qui va devenir empreinte, c’est la quantité de mosaïque qui va définir la taille du vase.
En tant qu'artisane, comment navigues-tu entre les demandes spécifiques des clients et ta vision artistique personnelle ?
Je pense que les clients qui font appel à moi me suivent, connaissent mon univers et mes créations. Pour les commandes, j’utilise beaucoup de photos d’inspiration et j’adore faire des photos montage d’ambiance pour bien illustrer le projet. Je suis assez claire sur ce que je suis capable de faire ou pas. Je pense avoir assez d’expérience pour pouvoir relever des défis, mais aussi savoir dire que le projet n’est pas pour moi si je ne suis pas en phase avec la technique ou les matériaux à utiliser. Le plaisir de choisir ses projets est un luxe.
Enfin, aurais-tu un prochain projet à nous partager ?
Le projet qui m’occupe en ce moment est la mise en ligne de certains de mes produits pour pouvoir vendre par correspondance. Je tente Etsy pour commencer avant peut être un site marchand. Je fais beaucoup de photos et de mise en situation, je trouve cela divertissant et ça change !
Un objectif pour les prochains mois serait de trouver quelques points de vente déco pour déposer mes créations.
Retrouvez Marion sur Etsy et son compte instagram : @facon.nette pour suivre son actualité
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